"Un romancier insaisissable qui mélange les étiquettes avec beaucoup de talent."

 

 

Michael Marshall Smith est un écrivain un peu à part qui échappe aux genres classiques d'auteur de science-fiction, fantastique, thriller, futuriste, philosophique... Il est un peu tout ça à la fois avec une dominante dark fiction. Il a le don de manier humanité et cruauté avec pertinence, et ses univers, son approche et son style d'écriture sont vraiment particuliers.

M.M.Smith a écrit 3 romans de « science-fiction (?) » avant de s'orienter vers quelque chose de plus « thriller (?) » sous le nom de Michael Marshall. (biographie sur son site)

  

J'ai découvert Michael Marshall Smith tardivement mais sûrement, en plein hiver 1999, via sa nouvelle « La Joie de Recevoir » (publiée dans SF Mag n°7 pour la 1re fois en France) et qui fut à l'origine de son 2e roman : Frères de Chair (1996).

 

 

 

Je vous livre ci-après cette nouvelle qui m'a menée sur les chemins de MMS que j'ai suivis et que je suivrai encore, passionnément...

 


05/05/2008
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Oracle (promo ESMA)

 

"La vidéo n'est plus disponible" (je cite) "suite à une réclamation de Talantis Films pour atteinte aux droits d'auteur." Mais ce serait vraiment vraiment dommage de laisser cette petite merveille dans l'ombre...

 

 

film

 

© Sébastien Buisson, Michaël Desnoyelles, Tristan Le Granché et Flavien Lens - Promo ESMA 2007

 

 


02/04/2008
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La Joie de Recevoir

 

J'aurai préféré y aller en voiture, mais je ne sais pas conduire et j'aurai probablement flippé. Pourtant, une voiture aurait été bien plus pratique. D'abord, il y a tellement de monde, ici... Tellement de monde. Les gens sont partout, fatigués et froissés, mais entiers. Etrange. Tous entiers.

Oui, une voiture aurait été plus rapide. Tôt ou tard, ils se lanceront à ma poursuite, et je dois absolument me rendre quelque part avant.

Les transports publics, ça craint. Les wagons puent ; on passe son temps serrés les uns contre les autres, à attendre. Et puis c'est intimidant. Les gens vous fixent. Ils regardent, regardent, sans savoir quel danger ils courent. L'un d'eux va finir par me dévisager une seconde de trop et je vais lui arracher la tronche, ce qui ne nous aidera pas, ni lui ni moi.

Alors je préfère me détourner et regarder par la fenêtre. Il n'y a rien à voir. Nous sommes dans un tunnel, et je dois fermer les yeux pour m'empêcher de hurler. Le wagon est comme un tunnel, un tunnel sans fenêtre, et j'ai l'impression d'être enterré trop profond. J'ai grandi dans des tunnels sans fenêtre. Leurs concepteurs n'ont pas pris la peine de décorer, de nous faire croire qu'il y avait quelque chose à regarder, quelque chose à chercher. Parce qu'il n'y avait rien. Aucun événement à attendre, aucun sans qu'un mec avec un scalpel y joue un rôle majeur, en tout cas. Ils ne faisaient pas semblant.

Au moins, ils ne vous bercent pas de faux espoirs.

Manny l'a fait, d'une certaine manière ; c'est pourquoi mes sentiments à son égard sont ambigus. Dans un sens, il est la meilleure chose qui nous soit arrivée. Dans un autre... Peut-être nous serions-nous mieux portés sans lui. Non, je délire. Sans Manny, tout aurait été pire : trente ans de perdus. Je n'en aurais rien su, bien sûr, mais je le sais à présent, et je suis heureux que les choses ne se soient pas déroulées comme prévu. Sans Manny, je ne serais pas là. Dans ce wagon, avec si peu de temps à ma disposition.

Les voyageurs me fixent toujours, les yeux écarquillés, ce qui n'est guère surprenant. Mon visage et ma jambe y sont pour quelque chose ; les gens n'aiment pas ça. Mais c'est moi, surtout, qui les gêne, et la rage qui irradie de ma personne. Ce n'est pas une bonne chose, mais la vie n'a pas été bonne pour moi. Echangeons nos places et on verra si vous gardez votre calme.

Une autre raison de mon ambivalence envers Manny, c'est le mystère qui plane sur ses motivations. Pourquoi nous a-t-il aidés ? Sue 2 dit que ça n'a pas d'importance, mais je crois que si. S'il ne s'agissait que d'une expérience, un jeu, ce serait différent, je crois que je l'aimerais moins. Mais je n'y crois pas. Il a agi par humanité - quel que soit le sens de ce mot. Si c'était une expérience, les événements de la dernière heure se seraient déroulés autrement. Pour commencer, Manny ne serait pas mort.

Si tout s'est passé comme prévu, Sue 2 doit être presque arrivée à destination. Non, mauvais réflexe. C'est Sue, maintenant, seulement Sue... Sans numéro. Et je ne suis que ce bon vieux Jack, du moins si je parviens jusque là-bas.

Le bleu est mon premier souvenir, mon éveil à la vie. Maintenant, je sais pourquoi : à cette époque j'ignorais que les autres couleurs existaient.

Un bleu diffus, un bleu accompagné d'un doux bourdonnement, dans une atmosphère froide et humide.

Il faut que je sorte de là. Je suis dans le métro depuis une heure et j'atteins mes limites. C'est très bruyant - pas un doux bourdonnement, un vacarme terrible. Les courts moments qui me restent, je ne veux pas les passer ainsi. Les gens se pressent autour de moi ; ils ont tous des endroits où aller. Pour la première fois de ma vie, je suis entouré de personnes qui vont quelque part.

Le tunnel n'a pas la bonne couleur. Les tunnels doivent être bleus ; je ne comprends pas sinon. J'ai passé les quatre premières années de ma vie, autant que je sache, dans un tunnel bleu. Si Manny n'avait pas été là, j'y serais encore. Quand il est venu travailler à la Ferme, j'ai tout de suite compris qu'il était différent. J'ignore comment ; à cette époque je ne pensais pas et je ne parlais pas, bien sûr.

Il ne se comportait pas comme notre précédent gardien. J'ai appris bien plus tard que la femme de Manny était morte en accouchant d'un bébé mort-né, c'est peut-être la raison...

Il a décidé de laisser certains d'entre nous sortir. Quelques-uns, d'abord, puis la moitié du stock de pièces de rechange.

Beaucoup ne s'adaptaient pas. Ils se contentaient de marcher sur l'herbe, errants, bouche bée. Ils paraissaient bleus, comme si la lumière du tunnel leur avait imbibé la peau. D'autres ne sortiraient pas du tout : ils avaient déjà été trop utilisés. Trois ans et plus de bras. Vous trouvez ça raisonnable ?

Manny nous laissait libres dans le complexe. A l'extérieur, il devait être prudent : la route passait très près de la Ferme. Un voisin aurait pu remarquer ces inconnus qui se roulaient dans l'herbe, nus comme des vers puisqu'ils ne nous donnaient pas de putains de vêtements. Nous n'en avons jamais eu. Durant des années, j'ai cru qu'il pleuvait tout le temps dehors parce que Manny ne nous laissait sortir qu'à ces moments-là.

Aujoud'hui, je porte un costume appartenant à Manny ; Sue est habillée d'un jean et d'une chemise. Le pantalon me gratte, c'est infernal, mais je me sens comme un prince. Les princes vivaient dans des châteaux, ils combattaient des monstres, épousaient des princesses, vivaient heureux et avaient beaucoup d'enfants. Je le sais, on me l'a raconté.

 


05/05/2008
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BenX

 

C'est l'histoire d'un ado pas comme les autres (ou plutôt comme beaucoup d'autres justement...)
...

 

Premier long métrage du belge Nic Balthazar, avec en prime des acteurs méconnus : Greg Timmermans, Laura Verlinden, Marijke Pinnoy... Pourtant il frappe fort, avec un casting époustoufflant !

 

La critique que j'ai sélectionnée est...
"Un film candidat à l'oscar 2008 du film étranger. Bon, très bon. Tout est super ! de l'idée originale, le montage, l'acteur principal incroyable, une BO génialissime ! Un film qui va boulverser toute une génération de jeunes et qui va marquer les esprits !" ExSarladais

 

J'adhère. Ce film poignant devrait toucher de près pas mal de gens.


D'autant plus qu'il aborde clairement un sujet sensible et vieux comme érode qui oppose les dits adultes des dits pas adultes : les dangers du jeu de rôle, de nos jours en ligne.
Qu'il est facile et confortable d'accuser le jeu et la fiction, surtout quand on n'y connait rien, alors imaginez comprendre... que ce n'est pas le jeu qui pousse un jeune au crime ou au suicide, en passant par l'autisme ou la schizo. C'est le monde réel, la vie de tous les jours : la violence au quotidien, sous toutes ses formes, dans toute sa splendeur et sa toute puissance...
Ce mal de vivre, atrocement banalisé, qui emporte toute une génération tel un fléau mortel... C'est à cause de la vraie vie ! eh oui ! ô monde cruel... eh oui...


Ben rejette en bloc la vie de tous les jours. Ce n'est pas tant la routine qui l'effraie mais la violence qui régie le monde. Même s'il est choyé par sa proche famille, Ben n'a pas vraiment d'amis, pire il se prend toutes sortes de claques magistrales tant physiques que morales, infligées par ses congénères les humains dits normaux. Pourquoi tant de haine ?... Parce que Ben est sensible et intelligent, ou plus exactement parce qu'il est ce qu'on appelle un autiste... Ainsi Ben est seul. Seul dans son monde. Enfermé dans sa chambre. Rivé à son ordinateur. Réfugié dans un jeu de rôle en ligne nommé Archlord qui devient sa réalité. Ben le vulnérable est devenu BenX l'invincible dans un univers fascinant. Il y fera la connaissance de Scarlite qui jouera un rôle important dans sa vie, et tentera de l'empêcher de commettre l'irréparable...

 

trailer 

 

 

 

"On ne trouve pas une histoire, c'est l'histoire qui vous trouve"

Entretien avec Nic Balthazar

 

Voir aussi :

La Passion de BenX

Un poignant drame social

 

Amateurs de JdR, rendez-vous sur SCRiiiPT

 

 


15/03/2008
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Manny nous racontait des histoires, il nous éduquait... Ou du moins il essayait. Pour beaucoup d'entre nous, il était trop tard... Pour moi aussi, probablement. Je ne sais ni lire ni écrire. Il y a de grands vides dans ma tête. Parfois, j'arrive à suivre le fil d'un raisonnement, mais c'est rare et ça ne fait que souligner mes faiblesses. Dans mon cerveau, les idées tombent dans le vide. Par contre, je parle plutôt bien. J'étais un des chouchous de Manny ; il discutait beaucoup avec moi. J'ai beaucoup appris. Penser que j'aurai pu être intelligent me rend fou de rage.

Manny le disait. Sue le dit.

Mais il est trop tard. beaucoup trop tard.

J'avais dix ans quand ils sont venus pour la première fois. Le coup de fil a mis Manny au bord de la panique. Des pièces de rechange couraient partout dans le complexe ; il a couru pour nous rassembler tous. Nous sommes rentrés dans les tunnels juste à temps, nous demandant ce qui allait se passer.

Manny est entré dans mon tunnel, accompagné d'un grand mec pas sympathique qui dégageait le chemin à coups de pieds. Nous savions tous qu'il ne fallait rien dire : Manny nous avait prévenus. Ceux qui ne sortaient jamais des tunnels rampaient ou se balançaient contre les murs, comme d'habitude. Le grand mec les poussait sans ménagement. Ils tombaient, comme de gros quartiers de viande, continuant de faire des bruits avec leur bouche.

Manny s'est arrêté et m'a désigné du doigt. Sa main tremblait ; son visage était étrange, comme s'il essayait de ne pas pleurer. Le grand mec m'a attrapé par le bras pour me conduire hors du tunnel. Il m'a traîné jusqu'à la salle d'opération, où l'attendaient deux autres types en blouse blanche. Ils m'ont allongé sur la table et m'ont coupé deux doigts.

C'est pour ça que je ne peux pas écrire. Je suis droitier et ils m'ont coupé mes putains de doigts. Puis ils m'ont enfoncé une aiguille dans la main et m'ont recousu à la va-vite avec du fil transparent. Le grand mec m'a ramené dans le tunnel, il a ouvert la porte et m'a poussé à l'intérieur. Je n'ai rien dit. Je n'ai rien dit de toute l'opération.

Plus tard, Manny est venu me trouver ; je l'ai d'abord repoussé car je croyais qu'il allait me ramener là-bas. Mais quand il m'a serré dans ses bras, j'ai compris la différence et je l'ai laissé m'emmener dans la salle principale. Il m'a fait asseoir sur une chaise. Ma main était ensanglantée ; il me l'a lavée avant de vaporiser quelque chose qui m'a fait du bien.

Puis il m'a raconté. Il m'a expliqué où j'étais et pourquoi.

J'étais une pièce de rechange et je vivais dans une Ferme. Quand les gens riches attendent un bébé, m'a expliqué Manny, les docteurs prennent une cellule du foetus et clonent un autre bébé, avec les mêmes cellules. Ils font pousser le second bébé jusqu'à ce qu'il sache respirer puis ils l'envoient dans une Ferme.

Les pièces de rechange vivent dans la Ferme jusqu'à ce qu'il arrive quelque chose au vrai bébé. Si le vrai bébé s'abîme quelque chose, les docteurs viennent à la Ferme, découpent un morceau de la pièce de rechange pour la coudre sur le vrai bébé. Il n'y a pas de "rejet", m'a précisé Manny, ajoutant d'autres trucs que je n'ai pas vraiment compris.

Puis les docteurs recousent le bébé de rechange et le renvoient dans le tunnel... jusqu'à ce qu'il arrive autre chose au vrai bébé.

Alors les docteurs reviennent.

Manny me l'a raconté, et je l'ai raconté aux autres.

Nous avions beaucoup de chance. Il y avait de nombreuses Fermes pleine de gens bleus se contentant de ramper dans les tunnels, des feuilles de papier vierge, sans rien d'écrit dessus. D'après Manny, certains gardiens se font de l'argent de poche en laissant de vrais gens entrer la nuit.

Parfois les visiteurs se contentent de boire de la bière en se moquant des pièces de rechange, parfois, ils les baisent. Personne ne le sait et d'ailleurs, tout le monde s'en fout. Pourquoi éduquer les pièces de rechange, pourquoi leur offrir une vie ? Elles n'ont qu'un avenir, se faire débiter morceau par morceau.

Pourtant... peut-être aurait-ce été plus facile. La vérité est très dure à supporter. Comme les autres, on reste assis et on attend, mais on sait ce qu'on attend. Et qui est responsable.

Comme mon frère Jack. Pour lui, se coincer deux doigts dans la porte à dix ans n'était qu'un début. Le jour de son dix-huitième anniversaire, il a enroulé sa voiture autour d'un poteau et s'est écrasé les os de la jambe. C'est une des raisons pour laquelle je ne veux pas rester dans ce putain de métro. Un bout de jambe en moins, ça se remarque. Comme mes voisins peuvent difficilement ne pas voir que le côté gauche de mon visage est à vif, là où les docteurs ont pris un greffon quand une inconnue a jeté de l'eau bouillante à la gueule de mon frère. Il a aussi la majeure partie de mon estomac. Ce connard aime la bouffe épicée et boit trop de vin. Je ne sais pas à quoi ces trucs ressemblent, mais apparemment, faut éviter. L'année dernière, Jack s'est rendu dans une fête, il s'est saoulé, il s'est battu et il a perdu un oeil. Et j'ai perdu le mien aussi.

 


05/05/2008
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